Combi cravate

Les champions étaient dispersés sur différentes régates, ils demandaient
de l'eau à la bouée, hurlaient des tribords gaillards, flirtaient avec
les laylines, taquinaient le drapeau noir et noyaient l'acide lactique
dans l'écume de quelques breuvages houblonnés.
Loin des préoccupations compétitives, un petit groupe d'augustes
navigateurs avait choisi de naviguer local.
Accueillis par Monsieur
le Président en personne, prestige oblige, nous dûment naviguer en
combinaison cravate, mais pour de basses contrariétés liées au passage
sous la bôme nous renonçâmes finalement aux chapeaux melon.
Avec l'œil vif, la moustache brossée et le cœur léger nous partîmes
affronter un courant bien plus véloce que le modeste zéphyr qui
caressait les courbes de la rive droite.
Une fois rendu rive gauche, profitant de gentilles risées nous tirâmes
de jolies bords, notamment de longs bords de près qui poussaient nos
frêles esquifs à flirter avec la berge.
Mais, tel Nelson faisant du dériveur au milieu de la flotte
napoléonienne, tout en prestance et agilité, nulle casse, point de
vulgaire raclage.
Le vent mollissant, le ciel tonnant à l'horizon, le retour à terre nous
apparu alors comme une idée plutôt raisonnable...
Mais au loin, un bruit, une onde, des flots qui frémissent, une eau qui
se trouble, un ciel qui s'assombrit... Untel redoute le surgissement
d'un Léviathan, tel autre rumeur évoque un kraken...
Une sueur froide perle sur la nuque des marins, le temps se fige, les
corbeaux croassent, certains gravent sur le pont des mots d'amour pour
leur belle restée au port....
Soudain un rayon de lumière vient
fendre le ciel charbonneux, notre regard s'affûte, c'était tout
simplement Jules et son 6cv venu secourir la moitié de la flotte ; sous
l'œil approbateur de notre Président, notre phare d'Alexandrie à tous.